LE ROYAUME
2017 – 2020
extrait d’une série de 88 photographies
Le Royaume est pour moi le portrait d’une communauté imaginaire. Ma pratique de la photographie s’attache toujours à des événements réels (ici course sportive dans la boue), matière première pour créer ma fiction, monde rêvé teinté de magie et de rituels. Ces corps sont traversés par un passé qui nous déstabilise car il rappelle des temps lointains (moyen-age, renaissance) ou même les corps pétrifiés de Pompéi. Leur geste suspendu renoue avec l’idée du rite de passage, cérémonie pour lier un individu à un groupe et ajoute au sentiment de sidération : leur immobilité est mortelle. La boue bleue, grise ou noire anonymise les corps et les visages et se propose comme une seconde peau, sédiments ancestraux qui les protègent mais aussi les figent dans un rôle. Cette vase bleue est aussi un masque pour chacun, libérant des postures et rictus tant violents que tendres. Les gestes mystérieux de ces corps racontent une vie en marge d’un Royaume sans images, hors champs à inventer pour chacun. Leur consistance rappelle celle du cadavre, du corps médusé et enlisé, et nous parle aussi de la lutte incessante pour habiter le monde. Les corps recouverts paraissent épais, grossiers, tout comme ce monde qui menace de perdre ses contours.